DOMOTIQUE : LA MAISON DU FUTUR FUIT LE CENTRE BRETAGNE
DOMOTIQUE : LA MAISON DU FUTUR FUIT LE CENTRE BRETAGNE
Reportage sur l’usage de la domotique en centre Bretagne, réalisé pour le journal Le Poher.
À l’espace Ker Arthur de Châteauneuf-du-Faou, neuf chambres viennent d’être équipées en « domotique » : des dispositifs qui permettent de contrôler à distance les éléments d’une habitation. Une petite révolution technologique pour les personnes à mobilité réduite, qui peine pourtant à percer en centre Bretagne.
C’est un véritable ballet de fauteuils roulants auquel on assiste, ce vendredi, à l’espace Ker Arthur de Châteauneuf-du-Faou. L’établissement associatif, qui accueille des adultes handicapés, a ouvert ses portes pour montrer au public ses nouvelles installations de domotique. Cette technologie, qui utilise des balises infrarouges, connecte différents éléments de la maison à un boîtier, une base de contrôle, qui permet de les utiliser à distance.
33.000€ de travaux
En tout, les différents travaux et investissements ont coûté 33.000 €. Dans sa chambre, Charlotte, une jeune femme handicapée, fait partie des neuf résidents qui ont vu leur chambre équipée. Elle a fort à faire pour satisfaire la curiosité de tous ceux qui sont venus assister à sa démonstration. Lumières, volets, ouverture des portes, connexion aux prises, bouton d’appel, contrôle du téléviseur, ou même de la radio, elle a désormais tout pouvoir sur le royaume de sa chambre. Tout appareil qui fonctionne par infrarouge, fut-ce une cafetière, peut être contrôlé de cette façon.
Regagner en autonomie
Sur son fauteuil, Charlotte a les yeux fixés sur une tablette tactile. À l’aide d’un joystick, elle fait défiler les différentes options, suffisamment lentement pour que sa main puisse ensuite atteindre un contacteur, et sélectionner l’option de son choix. Elle n’a pas encore tout à fait pris ses aises avec l’objet, et manque plusieurs fois le contacteur. « Je vais vous montrer comment j’allume la télévision », affirme-t-elle à son auditoire aux aguets. Lorsqu’elle parvient enfin à sélectionner la bonne option, elle se renverse en arrière, un immense sourire aux lèvres, alors que l’écran de télévision s’allume triomphalement. « La domotique les rend beaucoup plus acteurs, ils gagnent en autonomie », se réjouit l’ergothérapeute de l’établissement, qui a contribué à la mise en place des différents dispositifs. Les établissement spécialisés et les Ehpads sont de plus en plus nombreux à miser sur ces technologies pour redonner un peu de contrôle sur l’environnement des personnes qui en sont privées. En revanche, en centre Bretagne, la pratique est très peu développée sur les habitations des particuliers. Un état de fait que déplore Cyril Montier, un domoticien qui travaille sur toute la Bretagne. Pour une installation, en fonction du degré de perte de mobilité, il faut compter en moyenne entre 2.500 et 6.000 €. Un investissement qui rebute souvent les moins fortunés. « Nous avons surtout des demandes sur la côte, sur le sud du Morbihan », précise ainsi le domoticien, faisant référence aux niveaux de vie plus élevés sur cette zone.Les enveloppes dédiées aux aides apportées aux personnes handicapées sont, pour lui, souvent insuffisantes. En effet, selon la Maison départementale des personnes handicapées du Finistère, il existe bien une prestation de compensation du handicap, comprenant un volet aménagement de logement. Mais si les travaux sont financés à 100 % jusqu’à 1.500 €, ils ne le sont, passé ce seuil, qu’à 50 % jusqu’à 10.000 €. L’enveloppe est, en outre, valable sur une période de dix ans. Certains patients, l’ayant déjà épuisée, doivent donc attendre plusieurs années pour qu’un crédit se débloque. Le plus souvent, les installations domotiques se font lors d’un accident, lorsque les assurances peuvent les financer.Moins coûteux qu’un EhpadPourtant, les raisons financières, selon Cyril Montier, ne suffisent pas à expliquer ce vide. En effet, les personnes âgées ne sont pas non plus fréquemment équipées, alors même qu’une installation peut parfois être moins coûteuse qu’une intégration dans un Ehpad. La première appréhension passée, elles peuvent, de surcroît, se tourner vers les aides de l’Agence nationale de l’habitat, qui, selon la situation sociale, peut apporter son aide sur ce type de travaux. « Avec des installations adaptées, nous sommes aujourd’hui capables de maintenir une personne entre deux et cinq ans de plus à son domicile, avec tout le confort psychologique que ça implique », précise le domoticien.
Le désert médical en cause
En réalité, c’est encore la problématique du désert médical qui revient hanter la question de la domotique. Les domoticiens, pour s’adapter aux besoins des clients, s’appuient en effet sur les ergothérapeutes : « On peut faire sans, mais honnêtement, le domoticien a beau avoir une bonne capacité d’écoute, on ne connaît pas tout de la pathologie de la personne, donc l’ergothérapeute est un acteur très important de l’écosystème », explique Cyril Montier. Or, on comptait, il y a encore un an, seulement deux ergothérapeutes publics sur tout le Finistère. Même tableau pour le centre Bretagne, dont on connaît le dénuement au niveau des professionnels de santé. « Les libéraux sont beaucoup plus nombreux, mais il faut payer en conséquence », pose simplement le jeune homme.
Morgane Olès