FIBRE EN CAMPAGNE : POURQUOI CA PREND DU TEMPS ?

FIBRE EN CAMPAGNE : POURQUOI CA PREND DU TEMPS ?

Cet article réalisé pour le compte du Poher aborde les enjeux du déploiement de la fibre en milieu rural breton pour 2027.

Paru le 18 septembre 2020, pour le compte de : Le Poher

La fibre dans toute la Bretagne, c’est pour 2027. Un chantier public à très long terme qui rencontre différents obstacles dans son objectif de réduction de la fracture ville-campagne.

Depuis 2014, le plan Bretagne très haut débit a été lancé sur le territoire. Objectif : apporter la fibre dans tous les foyers bretons qui ne sont pas déjà desservis par un opérateur privé : c’est-à-dire 90 % du territoire et 60 % de la population, puisque les entreprises visent en priorité les villes. Ce projet s’applique donc aux villes moyennes et zones rurales, qui ne sont pas assez rentables pour se voir investies par des entreprises à but lucratif. Il est piloté par Mégalis, un syndicat mixte de coopération territoriale, et financé par l’Union européenne, l’État français, la région Bretagne, les départements bretons et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) bretons (à 25 %). La date butoir : 2027.

Une demande réelle

D’ici là, le plan de déploiement se divise en trois étapes, une première qui s’est achevée de 2014 à 2018, une deuxième de 2019 à 2023 et la dernière, qui s’achèvera en 2027.« La Communauté de commune de Carhaix, comme beaucoup d’autres, a déjà été fibrée à plus de la moitié, rappelle Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne et de Mégalis. Sur cette moitié, plus de 40 % des citoyens ont pris un abonnement. Cela montre bien qu’il y a un besoin. » Une demande qui est même plus forte en zone rurale que dans les villes, signale Stéphane Tropres, référent territorial du Finistère et du Morbihan pour la direction du projet Bretagne très haut débit. « La multiplication des usages numériques au quotidien, mais aussi dans le télétravail, fait que les débits ne sont plus suffisants », souligne-t-il.Pourtant, comme le disent plusieurs collectifs, comme Internet en kreiz Breizh, qui a souvent dénoncé une fracture numérique ville campagne, c’est long. Ça, Loïg Chesnais-Girard en convient : « Oui, c’est long. C’est très long et c’est agaçant : mais il serait faux de croire qu’on a commencé par les villes : on a fait une prise en campagne pour une prise en ville, partout en Bretagne. » Il souligne la répartition plus égalitaire que favorise l’approche publique de la diffusion de la fibre. « Les communautés de communes participent à hauteur de 445 € par prise, quel que soit l’endroit : Motreff et Saint-Hernin, où nous intervenons en ce moment, par exemple, paient le même prix qu’Auray, alors que les zones rurales nécessitent beaucoup plus de travaux », précise Stéphane Tropres.

Le défi de la campagne

Des travaux importants qui sont à la base de la lenteur du déploiement : « Dans une ville ça va vite, vous faites 100 mètres de tranchée et vous réglez 200 appartements : comme on a choisi de faire la campagne, il y a des problèmes de poteaux qui ne tiennent pas, de haies qu’il faut tailler, d’endroits où on nous dit “ce n’est pas chez vous, vous n’avez pas le droit de passer” », décrit Loïc Chesnais-Girard. Le recrutement pose également problème, sur un territoire où peu de personnes sont formées à l’installation et à la gestion de cette nouvelle technologie… D’autant plus que la concurrence est rude. « Aujourd’hui, le marché de la fibre explose, la demande est forte en France comme à l’international : alors les délais pour s’en procurer sont allongés », expose Stéphane Tropres. De même pour la main-d’œuvre, qui a le choix de son lieu de travail. Enfin, malgré les financements divers, 25 % du coût de l’installation reste à la charge des EPCI, ce qui représente un investissement important… Qui ne convainc pas tout le monde.

Un investissement pesant

Ainsi, le conseil communautaire du kreiz Breizh (CCKB), au début de l’année, avait demandé à remanier le plan de déploiement, pour privilégier les zones à très faible débit, mais aussi pour reporter un certain nombre de zones en phase 3. « On peut questionner l’intérêt du déploiement généralisé d’une technologie extrêmement coûteuse dont les capacités théoriques sont sans commune mesure avec l’effectivité de leur usage », avait alors déclaré Jean-Yves Philippe, président de la CCKB. D’autres élus avaient insisté sur le fait qu’un débit supérieur à 8 mégabits semblait suffisant pour un usage habituel, et que cette technologie risquait d’être déjà obsolète une fois déployée. « C’est furieusement moderne, pour encore longtemps, réfute Loïc Chesnais-Girard, parce que c’est un fil dans lequel passe de la lumière : rien ne peut aller plus vite ! » Quant aux 8 mégabits, « ce qu’on considère aujourd’hui comme suffisant ne le sera plus très rapidement, souligne Stéphane Tropres. Il y a cinq ans, le bon débit, c’était 2 mégabits ! » Cependant, même s’il admet que certaines incompréhensions peuvent avoir lieu avec les élus, il souligne aussi le fait que « pas une seule commune n’a aujourd’hui renoncé à la fibre. Elles ont pris conscience de l’enjeu de territoire qu’elle représentait. »

Morgane Olès