Qi Xuei Fei : une championne à Rostrenen

Qi Xuei Fei : une championne à Rostrenen

Ce portrait réalisé à Rostrenen présente le parcours de Qi Xue Fei, une jeune chinoise qui est venu vivre en France, en centre Bretagne, pour intégrer une équipe de Badminton au terme d’un parcours mouvementé encore impacté par la situation politique chinoise.

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Arrivée à Rostrenen il y a quatre ans, la jeune joueuse de badminton, Qi Xue Fei, fait des étincelles, en France comme à l’international. Le résultat d’un entraînement drastique et d’un parcours étonnant, qui l’a menée de Nankin à Rostrenen.

« Fei Fei ! Fei Fei ! La journaliste est là ! Zut, je suis sûr qu’elle ne s’est pas levée… » La voix sonore de Jacques Sibéril retentit à travers la maison. Il a des allures de papa poule, quand il parle de Qi Xue Fei, le président du club de badminton de Rostrenen. Mais c’est une championne qu’il couve. La jeune femme fait son apparition. Même si elle a l’air encore légèrement ensommeillée, les petites boucles d’oreilles brillantes soigneusement accrochées à ses lobes et les cheveux bien mis démentent les propos de Jacques.

« Je suis classée dans les meilleures mondiales »

Cela fait maintenant quatre ans que la joueuse de badminton s’est installée chez lui, sa famille d’accueil, à Rostrenen. Lovée dans un pull à motifs bariolés, assise face au feu de cheminée, on ne devine pas au premier abord la grande sportive en Qi Xue Fei… Jusqu’au moment où elle évoque ses matchs. « Je suis classée dans les meilleures au niveau mondial », déclare-t-elle abruptement entre deux gorgées de thé chaud. La prochaine championne olympique ? « J’espère que c’est moi ! », lance-t-elle d’une voix forte, une détermination en acier trempé au fond des prunelles sombres. Malgré son rire en grelot, le ton de sa voix ne donne pas franchement envie de se mettre en travers de sa route.

Il faut dire que Qi Xue Fei a été entraînée à la dure dans son pays natal, la Chine. « Je viens de Nankin. Quand j’étais petite, je demandais toujours à ma mère de jouer au badminton avec moi, j’adorais ça. Elle a dû en avoir un peu marre, alors elle m’a inscrit dans une école de badminton, où je jouais trois fois par semaine : j’avais 8 ans. » Rapidement, Qi Xue Fei commence à s’entraîner tous les soirs de la semaine. Et puis, à 13 ans, c’est le grand départ. La petite fille est inscrite à une école dans le centre de sport de Pékin, où elle commence un entraînement intensif pris en charge par l’État, loin de sa famille. « Je me levais à 6 h 45 tous les jours, à partir de 8 h 30, c’était entraînement pendant trois heures. Après une pause pour le repas, on reprenait l’entraînement, encore pour trois heures. » Le tout en plus d’un programme de cours traditionnels adapté.

Une caserne pour école

« On ne pouvait même pas aller dehors. Il fallait demander au coach, et s’il considérait que tu n’avais pas vraiment besoin, tu ne sortais pas. C’était un peu comme être à l’armée. » Sur la table du salon est posé un lourd album photo. « Elle, c’est la coach ! C’est elle qui contrôle notre vie ! » Un large sourire traverse pourtant son visage sur cette affirmation. « Elle », c’est la nouvelle coach, qui est arrivée à partir de ses 18 ans : plus souple. Et heureusement, car pour les sportifs qui désirent sortir du pays, l’avis du coach est déterminant. Qi Xue Fei commence par voyager en Autriche, puis, suite à un contact d’Anaïg Sibéril, du club de badminton de Rostrenen, classé en nationale 2, vient une première fois en France, en 2014.

L’enfant des mégapoles

La jeune femme, alors âgée de 22 ans, est une enfant des mégapoles chinoises. « Quand je suis arrivée à Paris, à l’aéroport, je ne savais pas un seul mot de français. J’ai essayé de demander comment faire pour me rendre à Rostrenen ; on m’avait dit que c’était entre Brest et Rennes, alors je pensais que c’était une ville assez grande ! Je n’avais jamais vécu à la campagne avant ! » Elle éclate de rire à ce souvenir. « Au début, j’ai cru que j’allais mourir ! Mais ici, on parle, on mange, on rigole… J’y ai découvert une autre vie. En Chine, tout le monde est très connecté aux technologies, ça n’est pas facile de créer de vrais liens… » Même si la nourriture, le shopping et la vie nocturne lui manquent parfois un peu !

Être naturalisée

La première visite dure six mois, et la jeune femme revient après un petit aller-retour pour renouvellement de visa. Les mois se transforment doucement en années. Aujourd’hui, Qi Xue Fei, qui a fait son nid dans la famille Sibéril et dans l’équipe de Badminton, ne se voit plus repartir vivre en Chine. Alors c’est décidé, elle va faire le grand saut. Un œil sur l’heure qui tourne, l’autre sur des manuels de français, Qi Xue Fei est fébrile. Demain, elle va devoir passer un test de langue française : « Et si on me demande des choses sur Macron, ou sur la peinture ? », s’exclame-t-elle, tendue comme la corde d’un arc.

Vers les jeux olympiques ?

Cet examen, c’est le premier pas vers une demande de naturalisation française : Une décision lourde, puisqu’en Chine, la double nationalité n’est pas une option. Mais pour la jeune femme, il y a urgence. En effet, il y a quelques années, elle a essuyé un refus pour entrer dans l’équipe nationale chinoise de badminton. Mais aujourd’hui, ses très bons résultats en tournois internationaux en font une sérieuse concurrente contre les candidats « officiels » Ce que le gouvernement ne voit pas d’un très bon œil. Depuis quelque temps, Qi Xue Fei s’est donc vu interdire de continuer à jouer dans des matchs classés. Alors, quand elle en parle, la sportive fulmine : « pour entrer en compétition dans les jeux olympiques, je dois faire des matches classés pour obtenir beaucoup de points », explique-t-elle, le front plissé de contrariété. Alors, s’il faut en passer par Macron ou l’art contemporain pour être sur le terrain à l’heure des J.O, qu’à cela ne tienne !

Morgane Olès